Le terme de dépression recouvre plusieurs approches psychopathologiques et thérapeutiques possibles, selon qu’on l’envisage comme un symptôme ou comme une entité nosologique (maladie). Il s’inscrit d’emblée dans un tableau clinique assez complexe, même si les signes précurseurs, ou patents en sont facilement repérables : lassitude morale, difficulté de penser, de mémoriser, fatigue psychique et physique, sentiments négatifs (auto-dépréciation, sentiment de culpabilité, auto-punition[), perte du désir, baisse de l’appétit (ce qui n’empêche pas des comportements boulimiques), etc.
En fait, la dépression enserre à la fois des mécanismes biologiques, neuropsychiques, psychologiques et sociologiques qui demeurent constamment en interaction entre eux. La dépression peut être réactionnelle (en rapport avec un évènement traumatique), ou s’inscrire dans un processus psycho-dynamique plus profond, où l’histoire et le contexte familial deviennent alors prévalents.
Du point de vue de son économie, on observe plusieurs types de dépression, qui comprennent selon, des troubles de l’humeur (une alternance de phases hypo-maniaques et de vécus dépressifs), ou une prééminence, une constante du contexte dépressif.
Enfin, on peut parler d’états dépressifs plus ou moins graves, plus ou moins handicapants. Dans les formes les moins bruyantes, l’état dépressif peut-être à peine perceptible. Du moins, il pourrait se confondre avec un trait de personnalité, se caractérisant par un état d’inhibition assez constant, plus manifeste dès que le sujet a affaire à un contexte environnemental nouveau : nécessité de s’inscrire dans un nouveau lien social, déménagement, changement de travail, prise de responsabilité… C’est parfois là, l’occasion d’un déclenchement plus manifeste de l’humeur dépressive. Dans d’autres tableaux cliniques, on constate qu’une hyperactivité professionnelle par exemple, peut masquer un fond dépressif dont l’éclosion est possible, si des facteurs de changement s’alignent vers une remise en question des principes qui jusque-là, maintenaient le sujet dans un sentiment de bien-être.
Dans les formes les plus graves, la dépression freine considérablement son rapport aux autres, à commencer par la perception très négative que l’on peut éprouver de soi-même. Les relations familiales, professionnelles, sociales deviennent de plus en plus difficiles à vivre, augmentant un sentiment de souffrance psychique, de contraintes de toutes parts, accompagnées parfois de crises d’angoisse. La dépression prend alors les formes d’une mélancolie grave, repère nosologique marquant l’entrée dans les maladies psychiatriques pour lesquelles, le pronostic vital en arrive à être prononcé. Les symptômes révèlent alors une dimension morbide féconde, traits de dépersonnalisation, manifestations sub-délirantes… qui évoquent des syndromes graves, tels que le syndrome de Cotard.
Quelle que soient les entités cliniques auxquelles la dépression renvoie, puisque l’état actuel des connaissances ne permet pas d’établir clairement un repérage nosologique qui accorderait l’approche psychiatrique, neuro-psychologique, ou psychanalytique, on peut s’appuyer sur cette simple constatation que le terme de dé-pression (d’un usage récent, puisqu’il remonte au XIXième siècle seulement) renvoie bien au principe d’une chose qui a été, et qui n’est plus là. L’étymologie latine évoque un enfoncement, qui indique bien la marque d’une temporalité : on s’installe progressivement dans une dépression, souvent de manière tout à fait invisible. Peut-on parler d’un pression psychique qui semble comme disparaître, alors qu’elle avait jusque-là pour fonction de maintenir le sujet dans un état de présence au monde. Il y a bien là, quelle que soit la gravité du symptôme, l’indication d’un effacement, jusqu’à éprouver et même revendiquer un sentiment d’inexistence, pouvant aller jusqu’au délire. La dé-pression révèle bien la dimension d’une perte, d’une inconsolable perte, que la psychanalyse accroche à celle d’un objet du désir. Ce qu’il ne faut pas confondre avec le deuil, qui concerne lui, la perte d’un objet réel, et marque l’entrée dans un processus de réparation psychique de cette perte.
Les approches thérapeutiques ne manquent pas, selon que l’on se réfère à un champ neuro-scientifique, psychanalytique, ou à d’autres pratiques dont le sérieux n’a jamais encore été démontré. D’autant que ce qu’on appelle aujourd’hui dépression semble pouvoir s’appliquer à plus de trois millions de personnes en France. L’on sait que nous sommes le pays, le plus gros consommateur d’anti-dépresseurs, au monde.
S’agissant là, ou d’un symptôme, ou d’une maladie, mais dont les fondements et les perspectives engagent toujours la plus grande prudence, les professionnels de la santé, les psychanalystes, sont particulièrement sensibles de par leur expérience, à la fragilité psychique d’un sujet dépressif.
Les traitements anti-dépresseurs sont particulièrement efficaces. Ils soulagent le patient, mais ils ne le guérissent pas. Ce sont des traitements au long cours, dont l’arrêt se révèle une phase très délicate.
L’approche psychothérapeutique est particulièrement indiquée. Même si elle ne peut faire l’économie du temps dans la prise en compte des plaintes du patient et de sa demande, elle constitue pour lui, une aide précieuse, puisqu’elle marque, dans l’accompagnement thérapeutique, une nouvelle mobilisation des marques d’un désir qui jusque-là, faisait défaut.